Naissance de l'Oreille électronique
Cet article tente d’exposer brièvement l’évolution de cette merveilleuse machine de rééducation qu’est l’Oreille électronique à effet Alfred Tomatis que je fabrique depuis 1992.
Une grande part de ces informations provient de la relecture de l’ouvrage autobiographique « L’oreille et la vie », publié aux éditions Robert Laffont en 1977 et 1990, ainsi que d’anecdotes vécues ou recueillies auprès de son proche entourage.
Tout a commencé en 1945, Alfred Tomatis avait quitté l’armée de l’air et fini ses études de médecine spécialisées en oto-rhino-laryngologie, il travaillait en même temps comme phoniatre externe au service de l’hôpital Bretonneau, sous la direction du Dr Maurice Lallemant, et comme consultant aux Arsenaux de l’Aéronautique.
Ayant obtenu l’autorisation de mener quelques investigations dans le domaine auditif, auprès des employés des Arsenaux qui travaillaient dans des conditions d’agression acoustique quasi permanente, Alfred Tomatis crée son 1er « laboratoire ». L’installation n’était en fait qu’une cave à charbon aménagée très sommairement : une table, quelques chaises, un système d’éclairage de fortune et un audiomètre.
Il commença sans trop de succès à collecter des résultats, auprès des ouvriers qui, à l’époque, avaient peur que l’examen serve à opérer une sélection. Ils imaginaient que tous ceux dont l’audition ne donnerait pas satisfaction pourraient être évincés de leur poste et, peut-être même, licenciés.
Toutefois en 1946, encouragé à continuer dans cette voie par son patron le Dr Lallemant, Alfred Tomatis s’installa, à ses frais, dans un appartement lui servant à la fois de laboratoire personnel et de consultation pour ses interventions chirurgicales privées.
En collaboration avec les Drs Maduro et Lallemant, il publie alors un ouvrage consacré au sujet des problèmes de surdité professionnelle. Cette publication lui procura plus de succès auprès du personnel qui gravitait autour des arsenaux et très vite, il constata des modifications spectaculaires dans les résultats des sujets qu’il avait déjà eu l’occasion d’examiner. Tout se passait comme si le changement d’attitude psychique avait transformé leur audition. Il n’obtenait quasiment plus que des contre-performances.
Il appliqua dès lors une grande partie de ses efforts à trouver le moyen de rendre l’audiométrie plus objective (audiométrie dynamique). Il constata alors que les sujets plongés dans le bruit n’entendaient pas de la même manière que ceux qui se trouvaient dans le silence, que leur audition changeait lorsqu’ils se mettaient à parler et qu’elle se détériorait lorsqu’ils mangeaient. Il faisait toutes ces observations au laboratoire acoustique des Arsenaux ou dans son propre laboratoire et elles lui permirent de mettre le doigt sur certains phénomènes qui firent avancer considérablement ses travaux.
La Boucle audio vocale (1946)
Essayant de venir en aide à deux barytons que lui avait envoyé son père et qui avaient toujours eu des ennuis avec leur voix à chaque fois qu’ils montaient dans les aigus, Alfred Tomatis constata un phénomène de compression qui les faisait chanter de plus en plus faux et au-delà d’un certain seuil, ils produisaient toujours le même son. À tout hasard, il les soumit aux épreuves d’audiométrie comme il le faisait avec les ouvriers des Arsenaux. Une question de chance ou d’intuition ? Toujours est-il que cet examen apparemment sans rapport avec leurs ennuis allait le mettre dans la bonne direction. En étudiant leurs courbes auditives, il s’aperçut qu’elles présentaient toutes les deux une défaillance au même niveau. Or, elle rappelait étrangement ce qu’il avait observé chez les personnes atteintes de surdité professionnelle.
Quelle explication donner de ce phénomène ? Il se demanda si ces deux barytons n’avaient pas abîmé leurs oreilles en chantant. C’était là, une hypothèse qu’aucune des théories admises ne permettait de confirmer.
Et pourtant la réponse, il la pressentait déjà, il lui fallait juste en prendre conscience . La simple idée que le vocaliste était son premier auditeur l’aida lorsqu’il dit : « J’entends que je chante faux ! ». Il retourna le problème : s’il chante faux, c’est parce qu’il s’entend mal. S’entendant mal, il ne pouvait, en effet, plus se contrôler. Pour bien chanter, il faut une perception spéciale de l’émission vocale par le sujet lui-même. La mauvaise qualité de cette « auto-écoute » était responsable de tout. En d’autres termes, ce n’était pas le larynx qu’il fallait incriminer, mais bel et bien l’oreille, cette oreille sur laquelle il travaillait depuis plusieurs années !
Telles furent les coïncidences heureuses de la recherche scientifique !
Son intuition fut corroborée bien au-delà de ses espérances. Une fois de plus l’oreille lui apparaissait comme l’instrument fondamental de la phonation. Lorsque son dossier fut suffisamment fourni en observation de ce genre, il put formuler la proposition qui devait être le départ de toutes ses investigations et de toutes ses découvertes futures : « un sujet ne reproduit vocalement que ce qu’il est capable d’entendre ».
De manière expérimentale, il constata qu’au « trou » repérable à l’audiogramme dans l’écoute d’un sujet correspondait toujours une autre dépression dans le spectre des fréquences que le sujet était capable de produire.
Il exprimait la loi qu’il venait de trouver en cette simple phrase : « on chante avec son oreille ». Nous sommes alors en 1947.
Il travailla dès lors d’arrache-pied sur ce phénomène d’auto-contrôle des chanteurs. Dire que la voix ne reproduit que ce que l’oreille entend, cela n’implique nullement que le sujet soit capable d’émettre tout ce qu’il perçoit. Une bonne émission exige, en effet, non seulement une bonne écoute, mais encore une bonne auto-écoute. Le passage de l’une à l’autre est ce qui distingue le bon chanteur des autres sujets. Plus le chanteur est fameux, plus rigoureux est le contrôle qu’il exerce. Ce contrôle est la plupart du temps autocratique, mais il n’en est pas inconscient pour autant. La structure d’auto-écoute ne se met en place que progressivement, à la faveur du travail de la voix.
Alfred Tomatis avait acquis la conviction que la voix ne reproduit uniquement ce que l’oreille entend !
Une courbe auditive autorise de multiples prédictions quant à la façon dont le sujet s’exprime vocalement. Inversement, la voix traduit et trahit - en raison de l’existence d’une auto-écoute - le fonctionnement de l’oreille. En conséquence, il eut l’idée d’examiner, grâce aux enregistrements, les caractéristiques d’écoute des grands chanteurs qu’il ne pouvait pas examiner directement dont notamment Enrico Caruso. Si, par la suite, il arrivait à imposer ses « oreilles » exemplaires à ses futurs patients, il pourrait, peut-être, les délivrer de leurs troubles.
Il remarqua en particulier qu’après 2000 Hertz, Caruso avait toujours au moins 18 décibels de chute vers les graves. En fait, Caruso entendait fort mal par conduction aérienne dans les fréquences aiguës, mais il chantait si remarquablement grâce à sa surdité qui agissait comme une sorte de filtre. En effet il n’entendait que son propre chant, mais non pas les sons extérieurs, car son auto-écoute s’effectuait par la voie osseuse : crâne. thorax, etc.
Dès lors, pourquoi ne pas essayer de donner, au moins provisoirement, l’écoute carusienne à des sujets lésés dans leur auto-contrôle vocal ?
Si cette théorie était vraie, il devait nécessairement se produire quelque chose de positif. Il mit donc un casque sur les oreilles de ses patients et leur imposait cette écoute à l’aide d’un montage comportant un micro, un système de filtres, un amplificateur et un casque. La réaction fut immédiate : tous, sans exception, sentirent qu’ils devenaient euphoriques, le casque sur la tête, ils chantaient incomparablement mieux qu’avant, mais lorsqu’il leur ôtait le casque, tout redevenait difficile comme auparavant.
De 1948 à 1952, Alfred Tomatis utilisa ce montage qui lui permettrait de démontrer ses théories. Lorsqu’on introduisait artificiellement des « trous » (ou scotomes en langage scientifique) dans l’audition d’un sujet, par un système de filtres, pour empêcher certaines fréquences de passer, on modifiait corrélativement les qualités vocales du sujet. Selon la position de ces scotomes dans le spectre auditif, sa voix devenait, soit plus timbrée, soit plus nasillarde, soit plus claire ou plus chaude, etc.
Poursuivant ses recherches en ce sens, il s’aperçut bientôt que, dans l’auto-contrôle, les deux oreilles ne sont pas mises à contribution de la même manière. Prenons par exemple les trois niveaux d’élaboration successifs de ce qu’il est convenu d’appeler « l’oreille musicale » :
- La faculté d’entendre et d’apprécier la musique
- la faculté de la reproduire avec justesse
- la faculté de la reproduire non seulement avec justesse, mais encore avec qualité.
L'équilibre auditif (1948)
Lors de ses recherches, Alfred Tomatis s’aperçut que nous avons deux oreilles, mais chacune remplit une fonction différente. La principale fonction étant la droite qui est « directrice ».
La différenciation fonctionnelle, toutefois, s’appuie sur une différenciation organique. Que se passe-t-il exactement ? Le cheminement de l’influx neuronique afférent par le nerf pneumogastrique est plus long du cortex à la paroi laryngée gauche que du cortex à la paroi laryngée droite. Par ce fait, dans le circuit d’auto -écoute reliant l’appareil auditif au larynx, l’oreille droite va se trouver plus proche des organes phonatoires que la gauche.
Alfred Tomatis en déduit que le circuit droit comporte cinq grandes étapes :
- Oreille droite.
- Centre auditif du cerveau gauche.
- Centre moteur laryngé du cerveau gauche
- Muscles de la phonation.
- Trajet bouche-oreille droite.
Et que le circuit gauche en comprend six :
- Oreille gauche.
- Centre auditif du cerveau droit.
- Transfert cérébral au centre auditif gauche.
- Le centre moteur laryngé du cerveau gauche.
- Muscles de la phonation.
- Trajet bouche-oreille droite.
La différence réside dans le transfert cérébral au centre auditif gauche qui est nécessaire du fait que le centre moteur laryngé se trouve dans le cerveau gauche. Ce transfert constitue un élément de retard qu’il est possible de mesurer. Selon les sujets, il varie entre 0,0 et 0,40 seconde (entre 0, l0 et 0,20 seconde et surtout à 0, l5 seconde, il provoque systématiquement un bégaiement).
La différenciation des deux oreilles est importante : la droite « mesure » les fréquences les plus aiguës, tandis que la « gauche » prend le relais pour les fréquences plus graves. Ce phénomène est lourd de conséquences.
De manière expérimentale Alfred Tomatis mit en évidence que l’oreille droite va réussit à capter des fréquences aiguës qui sont plus directrices (longueur d’onde courte et fréquence élevée) jusqu’à une distance de 70 cm alors que l’oreille gauche capte des fréquences graves (longueur d’onde longue et fréquence basse) jusqu’à une distance de 140 m.
La relation mathématique de la longueur d’onde et de la fréquence est inversement proportionnelle, c’est-à-dire que plus la fréquence est élevée plus sa longueur d’onde est petite, et inversement. De ce fait, le gaucher auditif se trouve comme projeté par son oreille, non seulement loin de son interlocuteur, mais loin de son propre corps, puisqu’il n’arrive pas à l’atteindre avec les longueurs d’onde qu’il utilise. Ainsi exilé de son propre verbe, son corps devient la proie d’une maladresse.
La Bascule (1950)
En 1950, Alfred Tomatis s’appliqua à trouver les bases d’une audiométrie objective, dans l’espoir de mettre au point une thérapie de récupération réellement efficace pour les chanteurs qui avaient abîmé ou perdu leur voix. Il commença même à songer à la construction d’un appareil d’éducation et de rééducation audiovocale. La bascule lui fut suggérée par une expérience assez curieuse qu’il avait vécue avec l’un de ses patients, un chanteur français, de tout premier plan, qui avait perdu sa voix. Alfred Tomatis lui appliqua ses différentes thérapies avec de très bons résultats. Il récupéra intégralement sa voix. Cependant, s’adonnant au chant, il s’achoppait régulièrement sur « un trono ». Le premier O de Trono émis sur un la bémol représentait pour lui un obstacle insurmontable.
Alfred Tomatis le compara à ses enregistrements de Caruso et s’aperçut que l’émission des deux vocalistes n’était pas du tout la même ! Le français sollicitait son larynx et lors d’une même poussée il expulsait le mot « trono », en donnant l’impression que tous les éléments étaient en continuité. Caruso, au contraire, introduisait une certaine discontinuité par un « déclic »(léger temps de pause) qu’il est impossible de mieux définir, en l’absence de toute illustration sonore.
Alfred Tomatis pensa qu’il tenait là, un intéressant sujet d’étude et s’appliqua à mesurer la durée de ce « déclic » qui assurait un meilleur contrôle et facilitait une meilleure émission vocale. Grâce à ses découvertes antérieures, il pensa que si un chanteur réalisait ce temps de pause, il préparait sa voix aux prononciations des notes suivantes. D’où son idée de faire écouter les enregistrements de Caruso à des chanteurs de technique française pour les aider à surmonter leurs difficultés
La première Oreille électronique (1952)
Le premier appareil à intégrer la bascule de manière à assurer un conditionnement propre à l’auto-écoute fut construit en 1952. Sa mise au point constitua l’une des étapes essentielles du cheminement dans le domaine scientifique.
1952 - Entrée Micro, Conditionnement 1 & 2, Aérien, Équilibre
Schématiquement, l’Oreille électronique comprend deux correcteurs de tonalité de Baxendall appelés communément canal C1 et C2, qui permettent un « conditionnement » de l’oreille. Elle permet au sujet l’écoute de sa voix (défectueuse) à l’écoute d’une voix adaptée. Il utilisait des interrupteurs manuels qui présentaient différents inconvénients : leur bruit qui nuisait au passage des informations et un maniement fastidieux. En effet, il était important de réaliser les basculements de canal au bon moment (ni en avance ni en retard) pour ne pas compromettre le conditionnement immédiat, mais provisoire ni la chance de l’obtenir définitivement à long terme.
C’est à partir de là seulement qu’Alfred Tomatis a pu faire des progrès rapides en matière de rééducation et réaliser toutes sortes de découvertes. Grâce à sa machine Alfred Tomatis obtint un conditionnement auditif pour que l’oreille soit en mesure d’adopter une posture d’auto-écoute favorable à une émission de qualité. Cette posture est possible grâce à la tension des muscles du marteau et de l’étrier (les deux muscles de la caisse du tympan). Pour Alfred Tomatis ces deux muscles positionnaient les osselets et permettaient d’accommoder les sons de l’oreille moyenne pour les transmettre à la cochlée ou oreille interne. Celle-ci est le lieu de la dissociation des fréquences pour le traitement ultérieur de l’analyse au niveau cortical.
La Bascule « électronique » (1954)
En 1954. Alfred Tomatis résolut le « problème » en automatisant le basculement grâce à l’intégration de commandes électroniques. Ce qui lui donna définitivement l’idée de baptiser sa machine « Oreille électronique ». C’est ce système électronique qui alla tout révolutionner !
1954 - Entrée Micro, Bascule électronique, C1, C2, Aérien, Équilibre
Il continua ainsi ses consultations et obtint d’excellents résultats qu’il partagea notamment lors d’une conférence médicale à Marseille, en présentant un cas de réadaptation de la structure audiophonatoire.
Un jour il reçut en consultation Daniel Sorano, autrefois chanteur à Toulouse et grand comédien qui avait perdu la modulation de sa voix de scène. Alfred Tomatis ne connaissait rien aux problèmes de la voix parlée, mais pensa alors appliquer le même traitement qu’à ses chanteurs. De toute façon, il n’avait, à cette époque, pas d’autre solution à appliquer pour ce cas. Alfred Tomatis lui donna l’oreille « carusienne », Daniel Sorano retrouva sa voix de scène.
L'entrée "Line" (1955)
Grâce à son expérience avec son patient, Alfred Tomatis modifia son oreille électronique en y ajoutant la possibilité d’écouter de la musique et plus seulement la propre voix de ses patients.
Il tira des conclusions sur l’action que le « conditionnement » pouvait exercer sur la phonation, à travers l’audition. Quand il rendait à l’oreille la possibilité d’entendre correctement les fréquences perdues ou compromises, celles-ci étaient instantanément et inconsciemment restituées dans l’émission vocale. Daniel Sorano fut si content d’être à nouveau capable de se produire sur scène qu’il accepta volontiers de se prêter à quelques expérimentations. L’une d’entre elles consistait à lui supprimer l’oreille droite et il se mit aussitôt à bégayer. Alfred Tomatis interpréta ce phénomène en termes de contre-réaction et en tira l’hypothèse suivante : l’oreille droite était celle qui contrôlait le langage et le fait de bégayer était directement lié à la perte de son oreille droite directrice.
Dès lors, il put envisager un traitement des bègues sous Oreille électronique.
Le Retard (1956)
Son attention fut attirée par les recherches de deux Américains, John Lee et John Black qui avaient mis au point une épreuve expérimentale, baptisée « delayed feedback ».
Le principe consistait à l’enregistrement de la voix du patient sur un magnétophone équipé d’une tête lecture, elle-même reliée à des écouteurs appliqués sur ses oreilles. Cette méthode d’enregistrement/écoute crée un décalage infime entre le son direct de la voix et celle enregistrée.
Alfred Tomatis s’aperçut que lorsque le décalage (ou retard) atteint un certain délai, le sujet se mettait à bégayer de manière artificielle, ce qui lui fit prendre conscience de la relation existant entre la dérégulation de l’écoute et le bégaiement.
Alfred Tomatis voulut quantifier précisément les mesures et le phénomène mis en évidence par les Américains. Il utilisa un simple tuyau d’arrosage en matière plastique de 340 mètres de long, correspondant à la vitesse de propagation du son dans l’air (340 m/sec). Il vérifia que la voix passait admirablement et que le retard ainsi provoqué était d’une seconde. Il pratiqua une série de trous à des intervalles de 34 cm (correspondant aux dixièmes de secondes de retard) dans le tuyau. Il parla dans un entonnoir et s’écouta la voix grâce à un stéthoscope appliqué sur les trous de différentes longueurs.
Lee et Black avaient noté que les troubles d’élocution apparaissaient avec des temps de retard entre 0,10, et 0,20 seconde. Les résultats auxquels il parvint lui confirment ceux des Américains et déterminaient ainsi une « zone de bégaiement ».
Mais il aboutit aussi à une conclusion qui le rendit sceptique quant à la possibilité pour ces deux confrères de soigner les bègues. En effet, pour que ces malades bénéficient du délai entre l’enregistrement et la restitution, il aurait fallu que celle-ci précédât celui-là ! Parce que la parole concrétisée n’est que l’aboutissement d’un état prévisionnel pendant lequel l’oreille, en quelque sorte, entend déjà ce qui va être prononcé. Il est clair qu’aucune machine, jusqu’à présent, n’est capable de réaliser cet état prévisionnel à notre place, c’est-à-dire de nous faire entendre ce que nous allons dire avant que nous ne l’ayons prononcé !
L’observation d’un grand nombre de patients lui fit penser que les sujets qui n’avaient pas accédé au stade de la latéralisation auditive étaient sujets à une sorte de « delayed feed-back » physiologique.
Le transfert transcérébral pouvait couvrir un délai compris entre 0,05 et 0,40 seconde, mais restait spécifique pour chaque individu. Le bégaiement apparaît lorsqu’il est compris entre 0,10 et 0,20 seconde, avec un maximum de 0,15 seconde. Hors de ces limites, ce sont d’autres manifestations qui sont constatées.
Il fit alors appel à des confrères pour qu’ils lui envoient tous les bègues qu’ils connaissent afin de pouvoir étudier ces phénomènes de plus près. Il effectua donc une étude sur 70 sujets qui présentaient un retard compris entre 0,10 et 0,20 seconde. Pour Alfred Tomatis, leurs troubles étaient liés à la non-intégration du phénomène d’oreille dominante, c’est-à-dire à un manque de latéralisation auditive et le traitement allait de soi : il suffisait de réaliser la latéralisation absente au moyen d’un conditionnement sous Oreille électronique. Il excita une oreille en bouchant l’autre. Une seule séance de ce traitement avait suffi pour que l’un des sujets du groupe guérisse ! Les autres cessèrent de bégayer au bout de plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois. Un an après, le succès fut presque total sur ce groupe et il croyait bien avoir trouvé « la guérison ». Mais deux sujets se montrèrent réfractaires au traitement.
Ils étaient tous les deux blonds aux yeux bleus, alors que les sujets qui avaient été guéris le plus rapidement étaient des noirauds aux yeux bruns. Peut-être était-ce une coïncidence ?
Alfred Tomatis pensait que la peau assure la continuité entre l’oreille et le reste du corps. Poursuivant cette étude dans ce sens, il s’aperçut bientôt que l’oreille n’est pas un morceau de peau non différencié, comme il l’avait cru d’abord. C’est au contraire la peau qui est un morceau d’oreille différenciée.
Grâce à son expérimentation, il prouva que les deux bègues qu’il n’avait pas réussi à guérir présentaient une résistance cutanée particulièrement élevée (80 dB), alors que les bruns aux yeux noirs réagissaient par voie cutanée à des stimulations de l’ordre de 5 ou 10 décibels.
Dès ce moment-là, Alfred Tomatis réalisa la relation entre la phonation et la sensibilité cutanée aux sons : plus le contrôle de la phonation est précis, plus le rythme est correctement suivi, plus la sensibilité de la peau reste grande. Le contrôle de ce flot acoustique déversé par notre bouche lorsque nous parlons revient donc en grande partie à la peau. A contrario pour les personnes à grande résistance cutanée le traitement aura peu d’effets sur eux, car il ne s’adresse qu’aux oreilles.
La rééducation consiste à apprendre au sujet à se servir de son corps comme d’un instrument de musique. La peau doit pouvoir se transformer en un véritable clavier cutané, afin que le sujet soit enfin en mesure de jouer de son corps pour s’adresser à l’autre.
De cette constatation aboutit la mise au point d’un autre appareillage susceptible de permettre à la fois un autocontrôle par l’oreille et une matérialisation de la coulée verbale le long du corps, le « retard ».
Dans la plupart des cas, les causes psychologiques ou psychanalytiques avancées pour expliquer les troubles du rythme sont parfaitement fondées. Mais lorsqu’on est en présence d’un bégaiement purement physiologique, le transfert transcérébral a nécessairement un certain retentissement au niveau psychique.
1955 - Entrée Micro, Retard, Bascule électronique, C1, C2, Aérien, Équilibre
Le 4 Juin 1957. L' « Effet Tomatis » est déposé non seulement à l'Académie de médecine par Moulonguet et Husson, mais aussi à l'Académie des sciences par Monnier et Husson.
L'Audio Psycho Phonologie (1960)
Trois ans plus tard, en 1960, Alfred Tomatis abandonna ses activités aux Arsenaux sous la pression de circonstances due aux changements de structure qui avaient affecté l’ambiance et ses conditions de travail.
À ce moment-là, Alfred Tomatis se considère davantage comme un spécialiste de l’écoute qui se trouvait par ailleurs avoir une expérience en oto-rhino-laryngologie et devint ainsi le premier Audio-Psycho-Phonologue.
Dans la même période, il donna une conférence au Palais de l’UNESCO sur l’électronique au service des langues vivantes à laquelle avaient été conviés les grands interprètes (traducteurs) français. L’exposé eut pour conséquence que plusieurs laboratoires, en France et à l’étranger, ajoutèrent à leur programme de travail la vérification des hypothèses d’Alfred Tomatis et s’équipèrent d’Oreilles électroniques.
L'Osseux (1965)
L’américain, John Black envoya un de ses élèves du nom de Strumsta, pour travailler aux côtés d’Alfred Tomatis pendant un certain temps. Au terme de ses propres recherches, Strumsta conclut que si le bègue s’entend mal, c’est parce qu’il est incapable d’une prise de conscience auditive au niveau osseux.
Alfred Tomatis imagina la suite : que se passe-t-il quand nous parlons ? Nous projetons des sons dans l’air (les sons aigus se propulsent en ligne droite, tandis que les sons graves s’étendent partout dans notre environnement ce qui explique que notre voix enregistrée nous semble toujours plus aiguë qu’au naturel). Mais en même temps, le crâne vibre et transmet directement à l’oreille des informations soniques. La vérification expérimentale prouve que les grands chanteurs d’opéra, c’est-à-dire les bons techniciens, se contrôlent essentiellement par conduction osseuse. Chez les bègues, au contraire, il y a entre la courbe auditive osseuse et la courbe aérienne une dysharmonie qui est toujours en défaveur de la première.
1965 - Entrée Micro, Entrée Magneto, Retard, Bascule électronique, C1, C2, Aérien, Équilibre, Osseux
De cette observation naquit l’idée d’un traitement qui rétablirait l’harmonie. Il lui fallut pour cela perfectionner l’Oreille électronique en lui ajoutant l’écoute osseuse, de manière à pouvoir réguler telle ou telle accommodation en tirant un peu plus sur le muscle de l’étrier ou sur le muscle du marteau. En même temps, il s’efforça d’imposer l’oreille droite dominante, en faisant jouer l’équilibre, en atténuant progressivement le volume sonore sur l’oreille gauche par rapport à l’oreille droite.
Cette dernière opération comportait un aspect délicat dans la mesure où il fallait la réaliser à l’insu du sujet, car si celui-ci se rendait compte de ce qui se passait, il risquait de développer des résistances. Ce refus psychique du traitement peut sembler aberrant.
Pour bien comprendre, il faut savoir que ce n’est pas la perspective de guérison qui est en cause. Le sujet ne demande pas mieux que de parler comme tout le monde. Ce qu’il ne veut à aucun prix, c’est grandir. Par son langage, le bègue reste fixé à un stade d’évolution compris entre deux et quatre ans. Son inconscient y trouve suffisamment d’avantages pour refuser de sortir de cette situation. Lorsqu’il sent que celle-ci est menacée, il se bat pour la protéger. Aussi convient-il de ne pas éveiller sa méfiance.
À propos de cette fixation infantile du langage, il est bon de souligner que le redoublement de syllabes caractéristique du bégaiement est également une constante de l’expression puérile (Papa, pipi, etc.). De ce point de vue, le bégaiement n’est jamais que le bégaiement devenu chronique au lieu de céder la place au langage parfaitement articulé.
Au Centre du Langage qu’il avait fondé à Paris, les séances éducatives commencèrent maintenant à se faire à l’aide d’Oreilles électroniques spécialement adaptées à la voie osseuse. Celles-ci présentent l’immense avantage de faire entrer le patient en communication avec lui-même d’une manière beaucoup plus intense. En Afrique du Sud, où s’était installé depuis plus de dix ans un centre universitaire très spécialisé dans les problèmes de bégaiement, les mêmes processus étaient employés et donnaient également d’excellents résultats.
Malheureusement à cette époque, un chanteur qui avait des amis dans la presse y fit apparaître le nom de Tomatis pour faire les louanges du traitement dont il avait bénéficié. L’ordre des médecins l’accusa d’avoir contrevenu à la sacro-sainte règle de ne jamais faire de publicité. Pour lui, ce fut une première mésaventure, mais qui n’a pas, hélas, été la dernière.
Le Dr Huet qui était un admirateur d’Alfred Tomatis. Il lui présenta un jour un de ses amis qui était un organisateur né et voyait tout de suite le côté pratique des choses. Ce conseiller de relations publiques exceptionnellement doué travailla avec A. Tomatis et lui insuffla mille et une idées qu’il n’avait pas connues jusqu’ici. Il fit aussi la connaissance de quelques sommités scientifiques internationales telles que Huxley ou Oppenheimer dont la fréquentation, même rare, lui apporta beaucoup. Grâce à ce promoteur, ses idées circulèrent largement, mais furent aussi largement jalousées et étaient entachées de « commercialisme » aux yeux de beaucoup de gens. Certains se demandaient si l’Oreille électronique n’était pas, une machine à sous plutôt qu’un appareil à rééduquer !
Filtrage, ASM (1974)
Lors de son parcours, Alfred Tomatis sympathisa avec l’un de ces patients, monsieur B.T. qui était ingénieur. La formation scientifique de ce dernier l’incita à se renseigner sur les travaux d’Alfred Tomatis. Il lui proposa donc un jour d’entendre les impressions acoustiques du fœtus telles qu’il avait pu les reconstituer. Naturellement, l’ingénieur accepta avec enthousiasme. Alfred Tomatis lui demanda de faire un enregistrement de la voix de sa femme. Ce qu’il fit et vint ce jour-là accompagné de sa jeune fille, qu’Alfred Tomatis fit asseoir dans un coin du laboratoire pendant qu’il expliquait à son père comment il s’était pris pour obtenir les sons étranges qu’il allait lui faire entendre.
Au moyen d’un magnétophone, Alfred Tomatis se proposa d’émettre la voix de la femme enregistrée sur la bande magnétique, grâce à un haut-parleur placé dans l’eau et entouré d’une membrane de caoutchouc pour le rendre étanche. Et en même temps, de reproduire le message grâce à un deuxième haut-parleur normalement placé dans la pièce, lui-même connecté à un amplificateur relié à un microphone, également protégé et plongé dans l’eau.
Alfred Tomatis fit une démonstration à B.T. Passionné, ce dernier lui demanda de recommencer et de lui fournir des explications complémentaires. Ils reproduisaient leurs expériences ne se lassant pas d’entendre ces bruits si fluides, cette féerie sonore qui correspond à l’information acoustique perçue par le fœtus humain. Et tout à coup une voix s’éleva dans la pièce, celle de la petite fille (elle avait neuf ans à l’époque) dont ils avaient complètement oublié la présence et qui se signala à leur attention d’une manière digne d’un scénario de film fantastique : « - Je suis dans un tunnel, dit-elle. Je vois deux anges dans le fond, deux anges vêtus de blanc ! Elle continua sur ce ton, développant un véritable rêve éveillé. » Ils en étaient abasourdis !
Grâce à son expérience de chirurgien, Alfred Tomatis retrouva très vite son sang-froid. N’ayant rien perdu des mots prononcés par la petite fille, son cerveau fonctionna à toute vitesse. Brusquement, l’explication s’imposa à lui : l’enfant était en train de visualiser sa propre naissance.
Alfred Tomatis comprit qu’il avait touché, avec l’expérimentation en cours, à quelque chose de très profond : la dimension psychanalytique de la personnalité humaine. Ce qui se passa n’avait rien de mystérieux. En manipulant l’appareillage, Alfred Tomatis venait donc de faire revivre à l’enfant les conditions de sa naissance et réalisa ainsi ce qu’il dénomma plus tard l’accouchement sonique, c’est-à-dire le passage de l’audition liquidienne (l’écoute fœtale) à l’audition aérienne (l’écoute du nourrisson). Le fœtus entend, c’est un fait, mais il n’entend pas de la même manière que l’être qui a été mis au monde. La fonction auditive évolue. L’oreille s’ouvre progressivement. Au départ, l’oreille doit pouvoir fonctionner en milieu liquidien. Acoustiquement parlant, les parties externe, moyenne et interne sont adaptées, avant la naissance, à percevoir les fréquences transmises par l’eau. Parmi ces dernières, celles qui transportent le langage siègent dans les aigus. Mais après la naissance, seule l’oreille interne conserve son milieu liquidien. Par contre les deux premiers étages — oreille externe et oreille moyenne — doivent s’adapter aux fréquences de l’air environnant. Pendant les jours qui suivent immédiatement l’accouchement, l’enfant demeure, du point de vue de l’expérience acoustique, dans un état de transition. Dix jours durant, l’oreille moyenne (la Trompe d’Eustache en particulier) va retenir le liquide amniotique et par conséquent rester accordée aux fréquences du milieu liquidien. Lorsqu’elle se vide, l’enfant perd la perception des aigus. Il entre même dans une période d’« ombre sonore » pendant laquelle il n’entend presque plus. Il perd de la sorte le tonus que lui procurait pendant sa vie fœtale, l’écoute des fréquences élevées. Il s’assagit, s’endort. Il va lui falloir alors porter toute son énergie sur l’augmentation du pouvoir d’accommodation de son oreille.
Cet apprentissage va durer des semaines jusqu’à ce qu’il retrouve à travers l’air environnant, le contact qu’il avait naguère avec la voix maternelle, lors de l’univers utérin. Grâce à cet apprentissage, le diaphragme auditif va s’ouvrir peu à peu au monde sonore dans les fréquences graves qui se situent entre 300 et 800 hertz.
Retrouvant progressivement la tension tympanique indispensable, le sujet peut alors revivre les perceptions enregistrées au cours de la vie fœtale et en particulier reconnaître cette voix qui l’entretenait, le sécurisait au fond de sa nuit utérine. Cette voix, elle a changé, bien entendu, mais pas du point de vue du rythme ni des inflexions. Lorsque l’enfant la retrouve, il ne s’y trompe pas. C’est dans sa direction, désormais, qu’il va « tendre l’oreille », dans l’espoir de connaître à nouveau le nirvana intra-utérin auquel sa mère est associée dans tout son être sensible.
La réalisation d’un accouchement sonique artificiel sur la fille de B.T. sembla avoir fait revivre à cette dernière les conditions de sa naissance. Il était donc possible de penser que l’on peut provoquer des réactions affectant les profondeurs du psychisme simplement en utilisant des informations acoustiques d’une certaine teneur. Autrement dit, on est en droit d’envisager un contrôle ou tout au moins une action directe et dirigée, sur ces informations susceptibles d’entraîner des effets psychologiques bien déterminés. Peut-être allait-on pouvoir se servir de l’oreille pour soulager certains troubles psychopathologiques ? Alfred Tomatis n’avait pas la formation requise pour répondre lui-même à ces questions, mais pressentait qu’il avait mis le doigt sur un moyen d’action d’une portée considérable, mais qu’il lui fallait d’abord y voir plus clair et recueillir des avis autorisés pour continuer dans ce sens.
Il prit donc son bâton pèlerin et alla rendre visite à ses confrères neuropsychiatres, choisissant de préférence ceux qui avaient une formation psychanalytique comme le Dr Bernard This, et Françoise Dolto. Ils renouvelèrent l’expérience de l’accouchement sonique, mais cette fois sur un enfant schizophrène.
L’expérience fit son effet et Alfred Tomatis poursuivit ses recherches dans cette voie, sans pour autant modifier sa machine tout de suite. Il a fallu attendre environ 1987 pour voir le filtre passe-haut intégré directement à l’oreille électronique, dans l’intervalle Alfred Tomatis se servit d’appareillages externes de plus en plus perfectionnés pour ses expérimentations.
1974 - Françoise Dolto, Bernard This, le patient, sa mère et Tomatis, nous nous retrouvâmes au Centre du langage dans le laboratoire de Tomatis
Le réseau international (1976)
En septembre 1976 en plus des activités de psychologue, boulevard de Courcelles, il animait des centres à Madrid, Genève, Ottawa, Toronto, Montréal, des conférences à l’université de Québec, des émissions télévisées, etc. Il remplissait ses engagements de chercheur en Afrique du Sud, distribuait un peu partout ses « dires » et travaillait à différents écrits.
Entre des voyages en Espagne, au Canada, en Afrique du Sud, il se rendit à Fribourg en Suisse pour procéder à certains essais de laboratoire sur une série d’appareils dont la fabrication avait été nouvellement mise en chantier.
1976 - Entrée Micro, Entrée Magneto, Retard, Bascule électronique, C1, C2, Aérien, Équilibre, Osseux
La précession (1980)
Alfred Tomatis poursuivit ses recherches et ouvrit des centres en différentes villes du Canada. Profitant de son temps passé à Toronto, il travailla avec Ed Agnew, un ingénieur de grande compétence capable de comprendre ses hypothèses avec lequel il mit au point plusieurs prototypes d’Oreilles électroniques.
L’avancée que lui permit de réaliser l’équipe de Toronto fut considérable. Elle lui fit faire un bond important, celui consistant à évoluer de l’électronique la plus complexe et fragile qu’étaient les tubes vers l’électronique à transistor.
1980 - Entrée Micro, Entrée Magneto, Retard, Precession, Bascule électronique, C1, C2, Aérien, Équilibre, Osseux
Les oreilles électroniques firent ainsi intervenir depuis 1982 un nouveau paramètre qui est celui de la « précession ».
L’introduction de cette donnée d’ordre neurophysiologique a constitué un grand virage pour la méthode, c’est un important perfectionnement, car on différencie l’audition qui est un acte passif et l’écoute qui est le fait de vouloir entendre (on tend l’oreille, on s’applique pour entendre) qui est un acte actif et volontaire. Cette nouvelle donnée consiste à passer de la sensation à la perception. Pour cela, il est nécessaire de préparer l’ensemble du corps par l’intermédiaire de l’organe sensible sensoriel qu’est l’appareil vestibule-cochléaire, et par l’entraînement de la musculature de l’oreille moyenne et celle de l’oreille externe.
L’écoute c’est, au sens strict et figuré du terme, « tendre l’oreille », c’est l’acte précurseur que constitue le désir d’écouter et qui précède (d’où le terme de « précession ») tout un ensemble de régulations neurophysiologiques.
Il y a dans un premier temps la mise sous tension du muscle de l’étrier (ou précession) puis dans un second temps la tension du muscle du marteau, mais qui s’adapte à la tension du muscle de l’étrier (commandant le fonctionnement du labyrinthe)
La fonction d’écoute ne fait pas uniquement appel à l’oreille, elle mobilise tout le système nerveux par l’intermédiaire du vestibule qui, par son jeu neuronique bien spécifique, règle les tensions musculaires du corps, la statique, la dynamique, la position relative des membres, c’est-à-dire en fait toute la posture et la gestuelle.
On comprend alors combien l’ensemble du corps est sollicité lorsqu’il s’agit de se mettre à l’écoute. Le système nerveux organise de manière cybernétique la réponse de l’oreille pour qu’elle s’adapte, s’apprête à écouter, se mette donc en état prévisionnel pour capter le son. Elle est alors en état de précession vestibulo-cochléaire. Or la fonction vestibulaire est mise en activité grâce à la conduction osseuse qui, dans cette perspective, précède la conduction aérienne de par sa vitesse supérieure. D’où le concept de précession de la voie osseuse par rapport à la voie aérienne. Cette nouvelle approche a modifié considérablement l’action de l’Oreille électronique sur le langage, la voix, le corps.
Au fur et à mesure de la progression de ses recherches, Alfred Tomatis put réaliser au Centre de Paris, l’évaluation de cette « précession » qui est devenue de plus en plus précise dans sa durée. Il fut ainsi amené au début à construire des appareils à précession courte (de 1 à 10) puis par la suite des appareils à précession longue (de 1 à 10 et de 10 à 100). Ces derniers sont surtout utilisés dans les cas d’autisme, de bégaiement, de retard du langage (chez les trisomiques, par exemple) et plus généralement dans tous les cas où l’image du corps est mal intégrée.
Les filtres (1988)
En 1988 la production d’oreille électronique battait son plein, Alfred Tomatis employait du personnel de montage au sein de sa société parisienne « Tomatis électronique », il fabriqua plusieurs petites séries de machines EE3, EE3R1, etc. Puis il intégra directement dans la machine des filtres du 6e ordre de 500 Hz, 750 Hz, 1000 Hz, 1500 Hz, 2000 Hz, 3000 Hz, 4000 Hz, 6000 Hz, 8000 Hz. Cette machine la plus représentée dans la littérature Tomatisienne est L’EE3PFR2, avec laquelle Alfred Tomatis a pour la première fois une machine complète permettant de réaliser directement l’ensemble de son traitement sans accessoire additionnel.
Industrialisation et consolidation (1992)
En 1992, suite à l’augmentation des commandes et à différents problèmes récurrents de fiabilité ainsi qu’à des ventes de machines sans autorisation, Alfred Tomatis décida de me confier la fabrication de tous ces produits, étant moi-même à pied d’oeuvre dans la méthode depuis 1986. c’est ainsi qu’à peine sortie de mes études et avec l’aide d’un généreux associé, j’ai pu crée à Neuchâtel en Suisse une entreprise indépendante, du nom « Acoustic System Besson SA », entièrement dédié au développement et à la production de son équipement.
Pour honorer les commandes en cours, les 20 dernières EE3PFR2 furent fabriquées à Paris au mois d’août 1992. Dès le mois de décembre, c’est le modèle A1 (Acoustic System 1) qui fut distribué dans les centres de l’écoute Alfred Tomatis du monde entier. Entre 1993 et 1995, il en fut produit et livré plus de 400 exemplaires.
Dans la même période, Alfred Tomatis voulant réitérer l’expérience qu’il avait vécue avec Ed Agnew à Toronto, c’est pourquoi il avait choisi un très jeune ingénieur en ma personne pour actualiser et pérenniser sa machine. Nous réalisâmes des recherches pendant plus de deux ans, notamment en collaboration avec l’université de Gdansk en Pologne qui nous envoya en stage son meilleur élément en audio numérique. Nous avions aussi l’aide de l’institut universitaire de microtechnologie de Neuchâtel en Suisse pour réaliser une machine numérique, voire même une prothèse auditive.
Plusieurs prototypes sont réalisés et plus de 500 000 € sont dépensés. Les modèles d’oreilles électroniques, A2, A3 et A10 virent le jour. Mais à chaque fois, après expérimentation au Centre de Paris, les résultats n’étaient pas au rendez-vous ou inexistants. Les machines ne donnaient que de tout petits résultats au début puis à mesure de leur utilisation, l’efficacité s’estompait comme si l’effet Tomatis disparaissait après quelques sessions. Les bonnes vielles EE3PFR2 donnaient immédiatement de meilleurs résultats, Alfred Tomatis en tira alors, sur le numérique, les conclusions que l’on connaît, ce qui l’amena à vouloir l’abandonner totalement.
Mais tout ne fut pas perdu puisque nous étions occupés à relever le défi complexe, consistant à quantifier et maîtriser tous les paramètres visibles et invisibles de l’oreille électronique à effet Tomatis. comprendre et à parfaire le processus du basculement, dans ses différentes phases, les temps établissement, la proportion du mixage entre les deux accommodations, le temps de repli, la forme les filtres, etc.
Cela nous permit, en 1995, de redessiner rapidement une machine analogique possédant une réponse infinie et de ce fait très proche de la physiologie humaine, réalisée avec les dernières innovations en électronique intégrant toutes les fonctions de l’EE3PFR2, Alfred Tomatis la baptisa alors du sobriquet « NewTec » ce qui donna naissance à l’« A1 NewTec ».
Cette nouvelle oreille était dotée d’un temps de retard et précession très précis contrôlés par quartz, d’un filtre à courbe extrêmement douce et plus physiologique, mais de plus grande sévérité (8e ordre) permettant de réaliser un ASM 9000-0Hz ou un RSM de 0-9000Hz avec une résolution de 5Hz.
Ces ajustements ainsi que l’affichage et les touches du clavier, la taille et le poids du boîtier constituèrent pour Alfred Tomatis un pas vers l’évolution non plus technique des machines, mais vers leur esthétique, leur côté pratique et des petites améliorations pour simplifier leur utilisation.
En 1996 Alfred Tomatis a 76 ans et voulut réduire son activité professionnelle à la simple recherche et diffusion de ses travaux. Une dernière fois, il s’embarqua dans des histoires impossibles et malheureuses. En 1997 il fut alors à nouveau victime de malversations, il dut se réfugier en Angleterre pour essayer de se reconstruire et sauver son œuvre. L’ayant suivi à Londres, comme beaucoup d’autres, deux nouvelles entreprises furent créées, l’une pour la production et l’autre pour la formation et la diffusion de la méthode.
Et nous revoilà à plancher sur des nouveaux modèles d’Oreille électronique dans le but de ne rien changer aux paramètres, mais uniquement à son aspect extérieur.
Pour parer au plus pressé nous assemblâmes une première série de dix « APP Azure », une version de la NewTec, redéveloppée et simplifiée, colorée en bleu et assemblée au Royaume-Uni.
Alfred Tomatis avec ses partenaires anglais et japonais imagina alors trois machines différentes : la Maxi pour les grands centres et les écoles, la Midi pour les petits centres débutants et la Gadget à usage individuel.
Ergonomie et modèles multiples (1998)
Alors qu’au même moment d’autres s’entêtaient toujours à vouloir construire en France une petite machine numérique sans connaissance ni technique ni thérapeutique de la méthode. Alfred Tomatis, fondateur de l’audio-psycho-phonologie avait déjà, comme à de nombreuses reprises, une bonne longueur d’avance.
On créa alors une autre petite série de dix machines sans potentiomètres avec un grand affichage et un clavier de 4 touches. L’« APP Digital ».
Puis voyant que 4 touches ne suffisent pas, ou semblaient trop virtuelles à l’utilisateur, fin 1999, les NN425-00 (Maxi), NN426-00 (Midi) et NN427 furent dessinées et construites, pourvues de 20 touches et d’un lecteur de carte à puce. Dès avril 2000, seuls les deux premiers modèles furent produits en Angleterre et encore testés par Tomatis en personne.
NN425-00
NN426-00
Fin décembre 2001, malheureusement, Alfred Tomatis s’éteignit, à Carcassonne.
Me voilà ainsi seul ou presque pour produire ces machines fantastiques, mais aussi pour faire face au problème affairiste lié à l’appât du gain facile et rapide suscité par l’oreille électronique et la méthode Tomatis.
En 2002
Inspiré par les dernières directives et dans la pure tradition du docteur Alfred Tomatis, que je conçus une petite machine à potentiomètre, mais surtout pourvu d’une bascule particulièrement douce et enfin inaudible : l’« Alpha ».
En 2005
Maîtrisant complètement la technique interne de l’oreille électronique, ayant déjà commencé à travailler l’ergonomie des machines il me fut facile de redessiner les deux dernières machines testées avec Alfred Tomatis tout en y ajoutant les ultimes adaptations de la série Alpha. Des nouvelles séries de modèles N425, N426, de plus petite taille.
En 2010
Sortie du modèle N430, une version à potentiomètres équivalente à la NewTec.
En 2012
Miniaturisation de la carte sons analogique et poursuite de l’intention de départ avec la fabrication du modèle N402 avec ou sans filtres, une version ultra transportable (la Gadget).
Malgré le fait que la conception de cette dernière soit déjà en bonne voie, en 2003 il a été longtemps considéré que le marché n’était pas prêt pour une machine individuelle et le risque que n’importe quel « thérapeute » puisse prétendre après une formation de 3 jours détenir suffisamment de compétences pour prodiguer à autrui la thérapie, me semblait particulièrement dangereux pour la crédibilité de la méthode Alfred Tomatis ainsi que pour les patients.
Cette méthode était déjà passablement entachée par toutes sortes de réalisations farfelues, notamment en 2005 en Pologne où l’argent des fonds d’aide sociale ont été mis largement à contribution pour équiper une centaine d’établissements spécialisés avec des simulations informatiques standard réalisées avec une simple table de mixage numérique et alimentées en musique provenant d’un lecteur DVD bon marché, le tout vendu à un prix exorbitant et dont les résultats n’étaient pas au rendez-vous ce qui ne manqua pas de soulever l’indignation de la communauté concernée. Tout cet argent gaspillé par l’État donna une très mauvaise presse pour la méthode en Pologne malgré le fait que ce ne soit pas LA méthode, mais un plagia portant simplement la même dénomination.
Fort heureusement en 2007 une nouvelle centaine d’écoles furent à nouveau équipées avec du bon matériel et la formation adéquate, et depuis nous avons pu réformer et rééquiper la plupart des premières écoles et commencé à recevoir une multitude de résultats positifs.
En 2013
Une machine supplémentaire, le modèle N427.
En 2015
Une nouvelle réduction de taille, sur le model N426.
En 2018
Optimalisation de toute la gamme de nos équipements, en termes d’ergonomie, de couleurs et de puissance.
De nos jours ...
Ainsi depuis ces dernières années nous sommes à nouveau une équipe de formateurs diffusant exclusivement les vrais concepts originaux de la méthode Alfred Tomatis, répartis en de nombreuses associations nationales regroupées au sein d’une fédération internationale. Et disposant des meilleurs équipements du marché.
Au Mexique et en Russie, par exemple, plus de 500 écoles se sont équipées des modèles N425, après qu’une véritable armée de thérapeutes compétents ait pu être formée au cours des dernières années. Nous avons aussi fait d’énormes avancées scientifiques en regroupant les connaissances scientifiques actuelles et en les comparant aux recherches empiriques d’Alfred Tomatis ce qui nous permet non seulement d’avoir toutes les preuves scientifiques nécessaires pour démontrer les différents processus de l’audition, mais également la capacité de tester objectivement les progrès réalisés par l’application de notre thérapie.
Christophe Besson